fondé le 27 juin 2017
Voyage au bout de l’humanité,
à partir d’un petit bout de papier sitôt reçu, sitôt jeté.
Réduit au confinement par la volonté du Gouvernement et la stricte application qu’en a fait ma fille Sophie, pour essayer de conserver son papa, celle-ci me fait tous les mercredis les courses pour une semaine. Hier donc, j’ai eu droit à mon approvisionnement accompagné, bien entendu d’un petit papier anodin, la note du supermarché, que je lui ai remboursée in petto.
Et voici que ce jeudi matin, en me réveillant, je me suis aperçu que j’avais reçu un autre cadeau. Celui de méditer à partir d’un petit bout de papier, celui de traverser les époques, celui de parcourir le monde, celui de se rappeler l’évolution de l’Humanité dans de nombreux domaines de la pensée et de l’action. Comme quoi, pour paraphraser Bergson, le confinement peut nous faire penser… en homme en pleine inaction. Je me permets de troubler votre quiétude sanitaire, et vous invite à un petit voyage bourré de surprises.
Qu’ai-je dans ma main, sinon un petit rectangle de papier, noirci de mots et de chiffres ? Déjà le substrat m’interpelle : le papier ! Il serait né au IIème siècle av JC en Chine (2.200 ans après, la Chine nous fait découvrir le Covid 19 ; c’était mieux avant !). L’Europe en fit connaissance au XIIème siècle en Espagne grâce aux Maures, alors plus enclins aux découvertes, aux beautés de l’architecture, des technologies et du savoir. C’était l’époque du magnifique Averroès qui naquit à Cordoue et commentât Aristote et Platon. C’était l’époque d’Ibn Arabi, grand penseur du Soufisme et qui divinisa la Nature…
Les premiers papiers provenaient exclusivement des tissus et bien entendu des chiffons. Aujourd’hui, la plus grande partie du papier est fabriquée à partir du bois de nos forêts. Il a donc fallu qu’auparavant l’homme laisse pousser l’arbre pendant des dizaines d’année, qu’un autre le coupe, que d’autres le transportent, que des chercheurs et des ingénieurs bâtissent des usines, que d’autres ingénieurs et compagnons, les fassent fonctionner, que d’autres, à l’aide de machines extrêmement ingénieuses et précises, découpent le papier en petits rouleaux qui vont s’adapter sur les caisses des magasins.
On ne peut parler du papier, sans remarquer qu’il est imprimé, nous verrons ensuite en détail le contenu de cette impression, non sans faire allusion à l’imprimerie et à sa fantastique capacité à répandre le savoir et la connaissance, à l’aide de ces merveilleux amis que sont nos livres…
Nous n’en sommes qu’au substrat… passons donc au contenu. Il y est question de produits, de fruits, de légumes, de viandes. Là encore que de travail de conception et de réalisation. Il y a derrière tout cela l’effort d’une humanité agricole qui travaille et s’ingénie à progresser depuis le Néolithique et les premiers champs d’épeautre d’Anatolie et du Croissant fertile. De nos jours des chercheurs, des agronomes, des cultivateurs, des transformateurs industriels, des transporteurs agissent dans l’anonymat pour que le résultat de leur action se retrouve sur les étals du marché, et ensuite dans le sac que Sophie m’a apporté…
Reste que tous ces produits portent un nom et voici que le langage apporte à son tour sa provision de symboles et de significations. Il faudrait des livres et des livres pour en parler.
Enfin des quantités et des prix. L’arithmétique offre ses capacités. Le nombre est un concept très abstrait (il faudra que je vous en parle un jour, mais je vous glisserai quelques cachets de Doliprane à la fin de ma péroraison, dès fois que… !). Et pourtant dès les premiers hommes, par le troc, il a bien fallu dénombrer, dénombrer, mais pas écrire.
Ce sont les plaquettes d’argile de Mésopotamie qui nous prouvent que, il y a 4.000 ans à Sumer, les hommes savaient déjà représenter les nombres et ils calculaient en sexagésimal (base 60 ! dont il nous reste comme vestiges la représentation horaire du temps). Les Romains suivirent (là aussi nous utilisons cette numération en particulier pour représenter les siècles), mais ce sont finalement les Arabes qui nous apportèrent et la numération décimale et les chiffres pour écrire les nombres.
La numération binaire, n’utilisant que les symboles 0 et 1, Leibniz l’étudia dès le début du XVIIIème siècle. Mais elle n’aurait eu aucun succès sans l’invention du calcul booléien conçu par George Boole au milieu du XIXème siècle et l’invention du transistor en 1947. Car ces trois concepts ont donné naissance aux circuits intégrés et à l’informatique. Et voici que je reviens à ma note de frais !
Car la facturette est l’œuvre de l’informatique… Nous sommes dans la haute technologie et la physique quantique. Et tout cet admirable agencement de la pensée et des techniques les plus abouties, donne ainsi naissance à ce bout de papier imprimé que je regarde d’un œil bien trop négligent…
*****
L’exercice que je viens de réaliser, nous pouvons tous le pratiquer avec n’importe quel objet qui nous entoure, et donc le répéter de façon différente des millions de fois !
L’histoire des progrès dans la Connaissance est inscrite partout autour de nous. Chaque objet, chaque produit, est l’œuvre obstinée de l’Humanité, pour progresser souvent, mais aussi hélas pour régresser en développant des armes de plus en plus sophistiquées.
L’Humanité, depuis ses premiers vagissements, nous apporte actuellement un univers d’outils et de consommables qui facilitent notre vie quotidienne. Elle nous a donné beaucoup, même si elle est aussi imparfaite. A nous de savoir lui rendre. Comment ? En respectant le cadre qui lui a permis de s’épanouir, c’est-à-dire la Nature, qu’elle oublie tant de respecter, et en répandant l’Amour et la Fraternité (la vraie, pas l’institutionnelle). Le Franc-maçon s’est consacré à cette belle tâche. Il n’est pas le seul, heureusement, nombre d’anonymes solitaires font le bien autour d’eux sans pour autant porter des décors maçonniques.
Mais vous comprenez bien qu’en cette période difficile que nous vivons, avec cette pandémie qui nous obsède, l’initié en Maçonnerie doit comprendre que son Devoir au service de l’Humanité doit en être décuplé.
Pierre Audureau,
Suprême Conseil d’Aquitaine du R.E.A.A.
https://supreme-conseil-aquitaine.fr/